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Sources d’énergie renouvelables optimales pour les centres de données irlandais : emplacement, stabilité réseau et coût

Certains coins d’Irlande brassent plus de vent qu’un congrès politique, mais le réseau électrique, lui, encaisse mal les sautes d’humeur de l’éolien. Les centres de données ne suivent pas toujours la cadence de cette énergie volatile. Autrement dit, quand le vent souffle fort, ce n’est pas forcément le moment où les serveurs tournent à plein régime.

L’équilibre repose sur trois piliers : la fiabilité de l’approvisionnement, le prix du mégawattheure et la robustesse du réseau pour encaisser de nouveaux raccordements. Selon la localisation, l’intensité industrielle et les infrastructures disponibles, la formule gagnante varie. Ce jeu d’équilibriste, l’Irlande le pratique au quotidien.

Pourquoi l’Irlande est-elle un terrain stratégique pour les centres de données ?

La position de l’Irlande sur la carte mondiale des data centers n’a rien d’un hasard. Sur ce territoire atlantique, plus de 80 centres sont déjà en activité et la dynamique ne faiblit pas. La majorité se concentre autour de Dublin, devenu le hub numérique du pays. Derrière cette concentration, un triptyque : environnement fiscal attractif, proximité du marché européen et connectivité transatlantique.

La fiscalité irlandaise attire les géants du cloud. Google, Meta, Amazon, TikTok : tous ont choisi ce point d’ancrage pour héberger les données de millions d’Européens. La faiblesse de l’impôt sur les sociétés et la stabilité réglementaire créent une véritable barrière à l’entrée pour les concurrents. Résultat, la capitale accueille la majorité des serveurs nationaux, ce qui propulse l’Irlande au rang de tête de pont du cloud européen.

Pour situer ce poids sur l’échiquier mondial, voici quelques repères :

  • L’Europe héberge 16 % des data centers mondiaux
  • Les États-Unis en concentrent 33 %
  • L’Irlande fait figure de poids lourd, disproportionné par rapport à sa population

La proximité géographique avec les clients européens et américains assure une latence minimale pour l’hébergement de données, un enjeu stratégique pour le stockage et le traitement en temps réel. Les réseaux sous-marins reliant Dublin aux grandes villes d’Europe et de la côte Est des États-Unis renforcent cet avantage. L’Irlande s’est ainsi imposée comme le point de passage obligé pour les flux numériques entre continents.

Stabilité du réseau et fiabilité énergétique : les défis uniques du territoire irlandais

La consommation électrique des data centers en Irlande atteint des sommets inédits. En 2023, ces infrastructures ont englouti 6 334 TWh, représentant 21 % de la consommation nationale. En ville, les logements se contentent de 18 %, à la campagne de 10 %. L’agence nationale des statistiques irlandaise le confirme : la tendance s’accélère. Depuis 2015, la facture énergétique des data centers a été multipliée par cinq. Le réseau commence à montrer des signes de fatigue.

Le gestionnaire EirGrid ne cesse d’alerter. À lui seul, le secteur des data centers a causé 85 % de la hausse globale de la demande d’électricité sur huit ans. L’Agence internationale de l’énergie annonce un cap : 31 % de la demande totale pourrait venir des data centers dès 2027. L’infrastructure nationale se retrouve sous pression, et le spectre du black-out plane.

Plusieurs pistes sont explorées pour desserrer l’étau. D’abord, l’interconnexion avec la France via le Celtic Interconnector, prévue pour 2026. Avec ses 700 MW de capacité, il pourrait assurer la fourniture électrique de 450 000 foyers et stabiliser l’approvisionnement. Parallèlement, certaines entreprises innovent. Eaton et Enel X expérimentent à Dublin le système UPSaaR : les data centers restituent de l’énergie au réseau lors des pics de consommation, participant à l’équilibre global.

Le cadre réglementaire s’ajuste aussi. En cas de saturation, l’État envisage d’autoriser temporairement le raccordement direct de certains data centers à des centrales à gaz via des private wires. Cette solution, transitoire, montre à quel point la sécurité d’alimentation devient centrale, autant pour le numérique que pour des industries comme la pharmacie ou l’électronique.

Détails de serveurs dans un centre en Irlande avec barrage hydroélectrique

Quelles sources d’énergie renouvelable offrent le meilleur équilibre entre coût et performance pour les data centers ?

Le paysage énergétique irlandais reste dominé par les énergies fossiles : plus de la moitié de l’électricité produite, avec le gaz naturel en tête (45 % en 2022). Impossible d’ignorer l’impact carbone pour les centres de données. Pourtant, l’éolien progresse à vive allure : il fournit déjà 34,6 % de l’électricité nationale, ce qui place l’Irlande dans le peloton de tête européen. Le solaire, en revanche, pèse peu (1,2 %) : latitude et météo ne l’aident pas.

Les opérateurs font leurs calculs : il faut arbitrer entre prix de l’électricité, garantie d’approvisionnement et réduction de l’empreinte environnementale. L’éolien terrestre s’impose avec des coûts d’installation en chute libre (–40 % en dix ans). L’offshore progresse, mais n’a pas encore trouvé son équilibre financier à grande échelle. Quant au solaire, il complète parfois localement l’alimentation, utile notamment pour le refroidissement ou les services annexes.

Adopter les énergies renouvelables ne résout pas tout. Le refroidissement des data centers demande aussi beaucoup d’eau potable. Microsoft, par exemple, a été pointé du doigt aux Pays-Bas pour avoir largement dépassé ses prévisions de consommation d’eau. En Irlande, la question se pose de plus en plus, surtout lors des épisodes de sécheresse. Résultat : le secteur explore des solutions hybrides, mixant éolien, solaire et, quand le réseau le tolère, hydrogène vert ou batteries pour compenser le caractère intermittent de ces sources.

Le modèle ne tient que si les opérateurs réussissent à conclure des contrats d’électricité verte sur le long terme et à intégrer une production variable dans un réseau déjà sollicité au maximum. L’issue reste ouverte : l’éolien irlandais, soutenu par une régulation dynamique, sera-t-il à la hauteur des ambitions d’un cloud plus sobre et fiable ? La réponse s’écrira dans les prochaines années, au gré du vent, et de la volonté politique.