En 2017, un chiffre a changé la donne : 300. Dès cette taille atteinte, une entreprise française doit s’engager dans la négociation sur la gestion des parcours professionnels. Sinon ? L’addition tombe, et elle peut être salée. Depuis, les directions des ressources humaines scrutent les textes, jonglent avec les échéances, tout en impliquant les représentants du personnel. Car la distinction entre GEPP et GPEC n’est plus un simple débat d’experts : elle marque une bascule profonde dans la façon de piloter les trajectoires en entreprise.
GEPP et GPEC : quelles différences et pourquoi ce changement de terminologie ?
La GEPP ne se résume pas à un simple jeu de sigles. Issue des ordonnances Macron de 2017, elle remplace la GPEC et impose un vrai changement de cap : sortir de la prévision à moyen terme pour entrer dans une logique d’adaptation permanente. La gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC) avait pour vocation d’anticiper les besoins internes de l’entreprise à venir. Ce temps-là s’éloigne : la GEPP place au centre l’agilité des parcours professionnels, l’ajustement au fil des évolutions du marché, des technologies, des impératifs écologiques.
Ce n’est pas qu’un mot nouveau : c’est un autre rapport aux métiers et aux attentes des salariés, en prise directe avec la transition numérique et écologique, et une ambition de mieux intégrer les choix individuels. La GEPP propose une approche plus dynamique de la gestion des emplois, compétences et parcours professionnels, là où les changements s’accélèrent, la routine s’efface et chaque acteur doit pouvoir se repositionner.
Pour mieux faire ressortir la différence, voici une mise en perspective des deux démarches :
- GPEC : démarche orientée anticipation des besoins internes de l’entreprise.
- GEPP : pilotage en continu, qui met l’accent sur la mobilité, la formation et la réactivité face au marché.
Autre évolution déterminante, la GEPP ne s’organise plus en cercle fermé : représentants du personnel, partenaires sociaux et salariés sont pleinement associés à la réflexion. Le modèle devient plus collectif et agile, le dialogue remplace le top-down, et la montée en compétences s’accompagne d’une mobilité interne accrue. C’est aussi une assurance pour rester attractif, humain, et résistant face aux secousses économiques.
Le cadre légal de la GEPP en France : obligations, consultations et entreprises concernées
Désormais, la GEPP figure dans le code du travail, via l’article L. 2242-20. Elle s’impose aux entreprises qui franchissent le seuil de 300 salariés, ou les groupes communautaires dépassant 150 salariés sur le territoire français. Ce n’est pas une option : tous les trois ans, la discussion s’ouvre et un cadre précis impose ce temps de négociation.
Le dialogue avec les organisations syndicales représentatives s’inscrit dans la loi : l’employeur ne peut s’y soustraire. Faute d’accord collectif, la rédaction d’un procès-verbal de désaccord s’impose, mais la consultation annuelle du CSE (comité social et économique) sur les grandes orientations reste, elle, un passage obligé. Ce cycle régulier assure le lien entre les ambitions de la direction et les attentes concrètes des équipes.
Les étapes-clés de cette règle du jeu collective sont les suivantes :
- Négociation tous les trois ans, ou quatre ans si un accord l’autorise ;
- Consultation annuelle du CSE sur les orientations de la stratégie ;
- Participation active des partenaires sociaux à chaque étape.
Négliger ces rendez-vous expose à des contestations, voire des sanctions pécuniaires et des recours pour omission lors d’une restructuration. Les salariés disposent eux-mêmes de recours pour défendre leur parcours. On dépasse donc largement le simple souci administratif : la réglementation GEPP façonne concrètement la stratégie RH.
Quelles démarches et outils pour une mise en œuvre efficace de la GEPP ?
Adopter une démarche GEPP, c’est conjuguer gestion de l’emploi et vision des métiers dans leur mutation. Tout commence par un diagnostic solide : cartographier les métiers, inventorier les compétences présentes, identifier les écarts avec les besoins visés. Pour y parvenir, les entreprises ont à disposition tout un arsenal d’outils.
Voici les leviers majeurs qui permettent de structurer et de piloter efficacement la GEPP :
- Référentiels métiers et compétences : clarifient les postes et les attendus au quotidien ;
- Cartographie des compétences : permet un état des lieux des points forts, zones de fragilité et risques d’obsolescence ;
- Logiciels RH spécialisés : pour suivre les parcours, anticiper les besoins de formation et ajuster l’évolution des compétences sociales ;
- Matrice 9-Box : met en lien potentiel et performance afin de dynamiser la mobilité interne et projeter les évolutions de carrière.
La formation professionnelle se retrouve au centre du jeu : CPF, VAE, Transco, implication des OPCO… tous ces dispositifs sont mobilisés pour accompagner les personnes dans leur montée en compétences ou leur reconversion. France Travail et la DARP deviennent de véritables alliés, particulièrement utiles pour intégrer la dimension écologique ou profiter d’aides concrètes.
La GEPP peut devenir un facteur d’attractivité fort : en valorisant la mobilité interne et l’accompagnement des parcours, elle ancre l’entreprise dans l’action et dans l’écoute. Un exemple : Orange a mobilisé la GEPP lors de son plan seniors, misant sur le dialogue social et la co-construction pour faciliter les mobilités et préparations de départs volontaires.
Où trouver les ressources officielles et guides pratiques pour aller plus loin
Pour continuer à s’orienter dans la législation, des textes de référence existent : l’article L. 2242-20 du code du travail décrit précisément ce qu’implique la GEPP. Les ordonnances Macron de 2017 ont formalisé ce passage de la GPEC à la GEPP en mettant à disposition la totalité des nouveaux textes pour ceux qui souhaitent approfondir le cadre réglementaire.
Du côté pratique, plusieurs organismes permettent d’avancer concrètement. France Travail (anciennement Pôle emploi) publie des outils, fiches pratiques et diagnostics sectoriels pour accompagner la cartographie des compétences ou aider à bâtir un parcours professionnel cohérent. La DARP met à disposition des guides méthodologiques détaillés et des retours d’expérience terrain, précieux pour réussir une reconversion ou structurer la démarche dans un groupe.
Les OPCO agissent au plus près des entreprises : webinaires, tutoriels vidéo, guides FAQ sont accessibles gratuitement, donnant les clés pour déployer la GEPP à l’échelle d’une filière ou d’une structure. Les solutions comme Transco, VAE et CPF font l’objet de fiches actualisées sur les portails institutionnels, facilitant la jonction entre gestion prévisionnelle et formation repensée.
Enfin, les partenaires sociaux et les organisations patronales publient régulièrement des analyses sectorielles, enquêtes, guides et études. Ces ressources, en accès libre, permettent de confronter sa pratique aux expériences d’autrui, d’ajuster sa stratégie et de tirer le meilleur de tout ce que la gestion des emplois et des compétences peut offrir.
Finalement, la GEPP trace de nouveaux sillons au cœur de la vie professionnelle : plus adaptative, plus partagée, plus connectée au terrain qu’avant. À l’heure où les métiers bougent, cette démarche a tout d’une promesse d’avenir pour les entreprises prêtes à oser la transformation.


